Métier « traducteur audiovisuel »

Françoise L’Héveder de Cortextuel a eu l’amabilité de m’interroger sur le métier de traducteur audiovisuel, pour son blog Parcours de traducteur.
Une belle idée pour mieux nous connaître.
Merci, Françoise !

Parcours de traducteur – Pierre Souchar, expert en traduction audiovisuelle

par Françoise L’Héveder | Fév 7, 2020 |

Pierre Souchar, spécialiste de la traduction audiovisuelle

L’année 2020 des Parcours de traducteur commence avec Pierre Souchar, traducteur audiovisuel.  En alliant des compétences techniques en photographie et sa passion des langues et de l’écriture, Pierre s’est peu à peu tourné vers la traduction audiovisuelle, notamment le sous-titrage. Il nous explique son parcours et nous fait part des évolutions qu’il a constatées. Bien entendu ses conseils seront accueillis avec le plus grand enthousiasme.

Quel a été votre parcours professionnel ?

Avant la traduction, j’ai exercé le métier de journaliste et de directeur de la photographie. Et j’exerce toujours ce dernier à mes « heures perdues ».

Une famille bilingue

Je suis venu à la traduction pour différentes raisons. Tout d’abord, ma mère est traductrice et comme on dit en espagnol  hijo de gato caza ratón, (qui naît chat court après les souris). J’ai également grandi dans un foyer franco-vénézuélien, où les langues avaient une place importante.

Une famille bilingue

De nombreuses compétences

J’ai une licence en journalisme, un diplôme supérieur de technicien en audiovisuel et un master en traduction audiovisuelle. Je traduis de l’anglais vers le français et l’espagnol, et je suis bilingue français-espagnol.

La traduction audiovisuelle

Le passage vers la traduction s’est fait en différentes étapes. Tout d’abord, j’ai commencé vers 25 ans, pour aider ma mère, lorsqu’elle était surchargée de travail. C’est elle qui m’a d’abord formé.

Puis, lorsque j’ai eu des enfants, j’ai cherché un moyen d’être plus présent à la maison. Le métier de directeur de la photographie est passionnant mais très prenant, avec des tournages à l’étranger ou des journées interminables. J’ai ainsi décidé de suivre une formation en traduction audiovisuelle (à l’ITIRI de l’université de Strasbourg), de manière à garder un lien avec l’audiovisuel. C’était en 2007.

Le sous-titrage

Je me suis installé comme traducteur indépendant en 2009 et le sous-titrage est l’une de mes spécialités. Je mets également en avant mes connaissances techniques dans le cinéma pour traduire des manuels ou des communiqués de presse dans ce domaine.

Sous-titrage

Depuis combien d’années exercez-vous ? Avez-vous constaté une évolution ?

Match traduction humaine-traduction automatique : l’arbitrage et la pertinence

La principale évolution que j’ai constatée dans la profession est la croyance, chez de nombreux clients, que la traduction peut se faire de manière automatique et évidemment dans des délais très courts. Un client m’a demandé l’autre jour s’il n’existait pas un logiciel susceptible de traduire automatiquement un film… Je n’en revenais pas ! D’autant plus qu’il s’agit de quelqu’un qui connaît un peu le métier.

Pertinence, sagacité, agilité intellectuelle

C’est cette tendance qui pèse très lourd dans la profession et surtout sur les prix. Certes, la traduction automatique s’est beaucoup améliorée ces dernières années, mais elle ne remplacera jamais l’humain, car la traduction n’est autre chose que l’arbitrage constant du traducteur pour choisir le meilleur mot et qu’un algorithme ne pourra jamais remplacer. Dans la traduction audiovisuelle, même les logiciels de traduction assistée par ordinateur ne sont pas d’une grande utilité.

Les amateurs de la traduction audiovisuelle, les « fansub »

Autre évolution, celle-ci plus spécifique à la traduction audiovisuelle, est la présence des « fansub », des personnes qui adorent une série télévisuelle et qui la traduisent le soir même de leur sortie aux États-Unis. La plupart du temps, il s’agit de personnes sans formation et qui ne maîtrisent pas la langue cible.

Les plateformes de streaming

Et puis, il y a les nouvelles plateformes de streaming, telles que Netflix ou Amazon Prime Video, qui poussent les prix vers le bas, au détriment de la qualité. Pour s’en rendre compte, il suffit de lire l’article de l’Association des Traducteurs/Adaptateurs de l’Audiovisuel (ATAA) sur le sous-titrage du film Roma d’Alfredo Cuarón (ici).

Selon vous, quelles sont les trois qualités indispensables pour exercer le métier de sous-titreur ?

Avoir un “amour intelligent” des langues

Aimer les langues passionnément et intelligemment

Comme pour la traduction de textes, la première qualité serait avoir un amour pour les langues. Et il ne s’agit pas d’un amour inconditionnel et béat, mais d’un amour intelligent, toujours en quête d’une expression et à l’affût des évolutions de la langue, d’un amour pour écrire de la manière la plus claire et simple possible et au plus près du sens originel.

Perfectionnisme, perspicacité, capacité de synthèse

La deuxième qualité serait un perfectionnisme et une perspicacité à outrance. Dans la traduction audiovisuelle, de nombreux paramètres entrent en compte, telle la durée du sous-titre, ce qui est visible ou pas à l’image et qui peut ne pas être traduit, la capacité de synthèse. Souvent notre traduction ne « rentre » pas dans la case du sous-titre. Parfois, il suffit de laisser reposer la traduction quelques heures, d’y revenir et ainsi une tournure plus synthétique nous vient à l’esprit. La plupart du temps, c’est une bien meilleure traduction.

Gérer la technique du sous-tritrage

Cadence

Et la dernière qualité serait un goût pour la technique, surtout de nos jours. Lorsque l’on reçoit un fichier vidéo, le premier réflexe à avoir est de vérifier la cadence des images* . Nous vivons dans un monde numérique emplit de standards (on se demande pourquoi on les appelle « standard »?), et chaque standard doit être traité de manière particulière.

*La cadence d’images d’une animation s’exprime en images par seconde

Repérage

Un bon traducteur audiovisuel ou adaptateur doit être en mesure de « faire le repérage »,e contenu va ici c’est-à-dire, de repérer la durée d’exposition du sous-titre avec un logiciel spécialisé, bien que cette tâche soit souvent accomplie par les laboratoires de postproduction. C’est une étape primordiale et le traducteur doit pouvoir la modifier, dans le respect des données techniques du client, pour réaliser son travail de traducteur-adaptateur.

Le diable se cache dans les détails !

Je dis souvent également que « dans notre métier, la méfiance est de rigueur ! ». Lorsque l’on reçoit une transcription, par exemple, il est impératif de la vérifier. Des erreurs ou des omissions sont souvent présentes et elles pourraient nous induire à une mauvaise traduction.

Quels conseils donnez-vous aux jeunes traducteurs et aux personnes en reconversion séduits par la tradcution audiovisuelle ?

Se former à la traduction audiovisuelle pour être pro.

Se former, un atout pour exceller

La première chose serait de se former. Nous avons la chance en France de compter sur plusieurs formations. De mon point de vue, il est difficile de réussir dans la traduction audiovisuelle sans une formation préalable. Les formations nous permettent de nous aguerrir et de dominer la technique avant de se lancer. Le client ne doit pas payer pour notre apprentissage.

Exercer son œil et son esprit

Le deuxième conseil serait de regarder des films en version originale sous-titrée. Et aujourd’hui, grâce à la TNT, c’est extrêmement facile. Au cinéma, la qualité est généralement au rendez-vous. Ce sont des traducteurs chevronnés qui assurent ce travail. A la télévision, c’est une autre histoire, mais avec de mauvaises traductions ou des sous-titres trop courts, on peut toujours apprendre comment ne pas faire.

Avoir une politique tarifaire digne

Et le dernier conseil serait de ne pas se laisser avoir par des tarifs beaucoup trop bas.  La traduction audiovisuelle est chronophage. Sous-titrer un long métrage de 90 minutes en une semaine au tarif de 4 €/min, c’est de l’esclavage ! Cela représente plus de 50 heures de travail mal fait pour 360 €, soit 7,20 de l’heure…

Avoir une politique tarifaire

Être passionné est primordial, mais cette passion ne doit pas nous aveugler et nous rendre corvéables à souhait.